11 janvier 2007

Texte laissé par Papa

Après le décès de Papa, et en mettant ses affaires en ordre, nous avons eu
la surprise de trouver ce texte parmi ses affaires. La lecture de ce texte
se présente désormais très douloureuse. Ce fut un moment de peine atroce, et
de chocs... J'invite donc tous ceux qui ont connu Papa à lire ce texte, qui
représente une petite partie de sa vie...

Aujourd'hui, j'ai eu 40ans.
Quarante années que j'ai vécu et cependant je n'en garde que de vagues et
éphèmères souvenirs, tellement j'ai souffert.
Je ne me rappelle presque de rien, tellement ça va vite. J'ai toujours été
pressé et je le suis toujours. Comme si je faisais une course contre la
montre. J'ai toujours eu l'impression qu'autour de moi se déroulaient les
scènes d'un film au ralantit, mis-en slow, que le monde est stupide, ingrat
et absurde. Je ne vois que de l'hypocrisie et de la malhonnêteté partout.
J'ai peur. De tout et de tous.
Qu'est-ce que j'ai fais de ma vie?
Je n'en sais rien.
La seule belle chose qui s'est passée c'est que j'ai cru en l'amour qui m'a
fait cadeau de trois belles innocentes petites filles.
Ce n'est pas facile d'aimer et de se marier à 23 ans. C'est encore plus
difficile de se battre pour se frayer un petit sentier dans le monde et de
faire sa vie, d'assurer ses arrières comme on dit, de penser à soi et à
l'autre. De vivre. Sinon de survivre.
Que suis-je entrain de faire de ma vie?
Rien de spécial à part la vivre sans penser au lendemain comme si c'était le
jour de la fin. Dois-je préparer ma mort? Ah la mort!! Ce petit passage vers
l'au delà, laissant tout derrière. Quand j'y pense, la seule et unique
question que je me pose c'est: qui m'enterrera? Car je ne laisse même pas de
quoi payer ma tombe!
Quant aux miens les plus chers: ma femme et mes trois petites colombes...Je
suis très croyant et je sais que nul n'a le droit de se préocupper des
siens. Dieu s'en occupe...et le monde...l'état...la société - Dieu oui, les
autres, j'en doute!
Un quarantième anniversaire et très spécial. On murit. On devient sage et
philosophe. Les autres pensent à nous...Avec mon portable à côté, un whisky
que je déguste avec amertume ...rien... personne n'a pensé à moi...
Sauf mes trois princesses qui viennent de m'offrir trois dessins très
symboliques... pour moi en tout cas... j'en ai fais ma lecture... Et ma
Nadine qui me comprend.
Ghita, Hiba et Rime. Neuf, huit et quatre ans ont tenu à ne pas dormir à
l'heure avant qu'elles aient terminé leurs dessins. Que c'est beau!
C'est la seule chose qui me tient à la vie. Je sais qu'en mourrant je ne
regretterais qu'elles. Bien que je serai sûr et certain que je n'aurais rien
râté.
Ce n'est pas une peur de la mort que j'éprouve. C'est une peur de la vie. Là
est le problème. On ne peut pas avoir peur de quelque chose qu'on ne connait
pas. Je n'ai jamais eu peur de l'inconnu. C'est le connu, le su, le vaincu
qui m'effraie.
On a connu, mais on n'a jamais compris!
Ou plutôt on a compris, mais on n'a jamais connu!
La connaissance, le savoir et la compréhension - laquelle a précédé l'autre?
Faut-il savoir pour comprendre ou comprendre pour savoir?
Faut-il croire pour voir ou voir pour croire? Sommes-nous en évolution ou en
involution?
Un rêve... un cauchamar horrible me hante... Je vois un tremblement de terre
atroce qui anéantie tout et tous.
Je vois un papa qui survole les dénombres à la recherche de sa petite fille
qui dormait tranquillement dans son lit...qui rêvait de fées et de beaux
chateaux...

Jaouad